dimanche 19 avril 2015

Michel Onfray est un puissant prescripteur d'idées, pas un gourou.



Il me parait vain de présenter Michel Onfray tant son empreinte médiatique est prégnante. Je risquerais néanmoins quelques mots pour exposer ce que je perçois de sa réalité. Il s’est lassé de vingt ans d’enseignement dans l’Education Nationale, lassé de ce sacerdoce athée, qui d'une saison scolaire l'autre, voit défiler une bardée d'élèves immatures et sans motivation particulière pour la  philosophie. Depuis lors, il revendique dans les médias son son aspiration a éduquer les gens à sa manière, en premier lieu pour les écarter du FN, ainsi soit-il, cela trace à sa façon, un chemin de croix rédempteur. Pour lui comme pour les dizaines professeurs qui l’accompagnent dans l’aventure des Universités Populaires de Caen (et d’ailleurs), le format de ces cours-conférence est propre à modeler de précieux «artéfacts » qui cristallisent l'essence d'un précieux savoir portant en germe de futurs écrits.

Il vient de la terre et d’une famille très modeste dont la mère savait habilement agrémenter des repas sans viande. Son père qui travaillait la terre des autres lui a transmis des valeurs de paysan et un enracinement ontologique à la terre. Besogneux, c’est un philosophe très productif qui honnis les auteurs qui font usage de nègres ce qui n'empêche pas certains de le soupçonner, tant sa production est abondante, de recourir à ce même artifice. On aura pu constater çà et là quelques critiques infondées, quelques fils ou filles "de" blessés dans leur orgueil, vexés du manque de considération que leur porte à eux ou à leurs illustres parents, mais rien n'arrête le philosophe dans sa verve, il n'a nul obligation de ménage qui que se soit, il exposera ses arguments quand bien même d'autres parleront de déballage indécent et irréverencieux. Des politiques parfois s’y risquent, on se souvient de la cinglante réaction de Michel Onfray quand Valls s’est risqué à le critiquer sur la supposée influence d’Alain de Benoit sur ses idées. Le terme de « crétin » utilisé alors par le philosophe puis repris par Marion Maréchal Le Pen dans un débat à l’Assemblée Nationale a laissé des traces. Peu lui importe, il était déjà définitivement ostracisé, au moins intellectuellement, par une certaine bourgeoisie de gauche qui fait la loi dans le 6ème arrondissement de Paris et dans le monde interlope de l'édition parisienne. Les critiques mondaines ou plutôt la réprobation urbaine ne l’arrêtent pas. Il est intransigeant, austère et radical dans son expression orale et plus encore sur les plateaux de télévision où il est confronté aux rodomontades des critiques littéraires, qui selon lui, ne prennent généralement pas le peine de lire les ouvrages dont ils sont sensé faire l’analyse. Il fait l’unanimité contre lui dans le milieu des bien-pensants de gauche comme de droite, des professionnels de la psychothérapie freudienne, parmi les thuriféraires de tous les monothéismes, parmi les politiques et fils ou filles de politiques… Bref, cela représente du monde, beaucoup de monde qu’il n’a pas lieu de ménager. Il mène sa vie dans le respect de ce qu'il appelle la "congruence", pour le dire autrement, la cohérence de sa pensée avec ses actes. C'est pourquoi il ne comprend pas et n'accepte pas certaines connaissance qui, face à lui son élogieux et qui, 3 jours plus tard, s'en vont rédigert  une critique assassine sur son dernier ouvrage. Effectivement, n’en déplaise aux jaloux, il vit très bien de sa plume à tel point qu’il pourrait probablement arrêter d’écrire si son penchant hédoniste devait prendre le dessus sur son ascèse d’écrivain stakhanoviste. Il n’a nul besoin de prêter allégeance à tel ou tel parti politique. Il peut critiquer en toute liberté, il en demeure très peu de cette « race » d'homme à même de jouir d’une liberté arrachée au "système" à force de travail. D’autres que lui, parfois plus contestés, s'épuisent dans de vaines luttes contre le politiquement correct, la bien-pensance, le « droitdelhommisme » etc…pour être finalement réduits au silence, soit par une politique de l’édredon qui consiste ou à n’apporter aucun écho à leurs propos, soit par la multiplication de procédures peu étayées qui encombrent les tribunaux.

Je voudrais pour terminer ce court texte, préciser qu’à quelques petites nuances près, je revendique mon attachement à sa vision du monde. J’ai lu au détour d’un article sur la pensée libertaire que Michel Onfray était un anarcho-capitaliste… ! Revendique t-il cette affiliation ? Je ne saurais le dire, en revanche, revendiquant une certaine affiliation à la pensée Proudhonienne, il se déclare libertaire, peut être pour ne pas utiliser le terme sulfureux d'anarchiste. Cela peut d’ailleurs sembler contradictoire avec sa supposée affiliation à l’« anarcho-capitalisme » qui, en quelque sorte, pourrait laisser croire qu'il s'agit d'un modèle représentatif d’une classe de propriétaires et d’intellectuels plutôt aisés.

Proudhon rejetait les abus de pouvoirs que pouvaient permettre la propriété, la maxime « La propriété c’est le vol… » étant devenue l’emblème de son mouvement, comment interpréter l’adhésion de Michel Onfray au capital ? Il me semble qu’il revendique l’idée selon laquelle l’homme, dans sa nature profonde inscrite dans son cerveaux reptilien - on parlera alors d’un point de vue « éthologique » - la propriété est une caractéristique profonde de l’homme, un attribut instinctif qu’il serait vain de contredire. De ce point de vue, il ne peut rejeter la propriété tout en revendiquant une vie libérée de toute inclination à l’enrichissement, il n’a pas de désir de posséder plus que son existence simple ne le réclame. Peut-être pourrait-il revendiquer une certaine adhésion au  "minarchisme", une pensée qui revendique un état le plus faible et le moins autoritaire possible ? 

Il s’agit là d’une vision postanarchiste faite de micro-révolutions et de micro-résistance que vous et moi pourrions revendiquer. On lui reconnait un penchant pour ce courant politique qui rejette l’Etat Jacobin pour s’attacher à un modèle d’organisation qui commencerait au niveau d’une commune, comme Camus pouvait revendiquer un douar et Charles Fourier un phalanstère.

Compte tenu du penchant naturel de Michel Onfray pour la nature, son inclination pour les développements contemporains des idées camusiennes le conduira probablement à apprécier le principe des éco-villages qui, en plus de se revendiquer d’une vision écologique, incitent à la rédaction de « micro-Constitutions » pour gérer leurs activités. Onfray se rattache à ce courant de penser qui produit des systèmes autonomes qui collaborent entre-eux et qui nécessitent pour cela une « couche » d’organisation spécifique. Ce sujet est sensible car il déroge au mythe fondateur de la pensée libertaire qui abhorre toute forme d'autorité, mais Onfray est pragmatique, en effet, comment orchestrer les « micro-structures » entre-elles et leur donner une force, une cohérence et une légitimité ? On imagine aisément que ce niveau d’organisation doit disposer de multiples caractéristiques dont la faculté de révoquer ses délégués ainsi que celle de rechercher le consensus dans les prises de décision sans pour autant user d’autorité, d'arbitraire et de contrainte. Une fois le niveau local correctement réfléchi et conceptualisé, il faudra également disposer d’une compétence Nationale vis-à-vis des Nations « étrangères » avec qui il conviendra d’organiser des relations. Ainsi, l'Etat minarchiste que Michel Onfray pourrait proposer doit également faire face à la confrontation de la réalité, les autres nations accompagneront-elles l'expérience où tenteront -elles de la faire échouer. L'histoire nous fait plutôt pencher pour la seconde hypothèse. L'opposition aux nations étrangères hostiles s'inscrit donc toujours dans l' "adn" d'un état fusse t-il libertaire. Un pouvoir exécutif sera toujours nécessaire ne serait-ce que pour gérer certaines des activités régaliennes qui assurent la survie d'une nation : les services secrets, l'armée,...je n'en suis pas aussi sûr concernant les renseignements généraux, mais la question doit être posée.

Les réflexions qui nous occupent très modestement autour de cette idée de « eConstitution » me semble être en parfaite harmonie avec la vision de Michel Onfray. Pour autant, considérons le en tant qu'un prescripteur d'idées fertiles, mais certainement pas comme un gourou "raélien" ainsi que le présente parfois une certaine presse.